L’art de ne pas regarder les problèmes en face

Dans une civilisation où la production de produits essentiels agricoles et industriels fait vivre 8 milliards de personnes, tout changement des pratiques établies se heurte à des contraintes d’échelle presque insurmontables. Se donner des objectifs arbitraires et irréalistes pour amadouer les prophètes de l’apocalypse n’y change rien. Pour éliminer les émissions de gaz à effet de serre, nous devrons en payer le prix élevé pendant au moins deux à trois générations et l’impact cumulatif des changements restera inévitablement limité dans les premières décennies. Par Éric Leser. Article publié dans le numéro 16 du magazine Transitions & Energies.

La crise énergétique que nous traversons depuis plus d’un an aura eu au moins un mérite. Elle a permis de balayer, pour partie, les postures, les imprécations et les stratégies absurdes et irréalistes qui depuis deux décennies rendent la transition énergétique impossible et surtout inefficace. Il est temps de renvoyer dos à dos les prophètes de l’apocalypse et les adorateurs de la technologie qui pour les premiers nous promettent à longueur de temps la fin du monde si nous n’expions pas nos péchés, et les seconds une solution indolore, facile et rapide à tous nos problèmes.

Les catastrophistes et autres millénaristes, qui ont envahi les chaînes de télévision et les réseaux sociaux, n’ont évidemment rien inventé. Sans remonter à l’Ancien et au Nouveau Testaments, cela fait des siècles que de Malthus (1798) au Club de Rome (1972) en passant par Paul Ehrlich (1968) et plus près de nous les collapsologues et autres décroissants, ils nous promettent la fin des temps. Ils se sont toujours trompés !

Lavage de cerveaux

D’ailleurs à quoi cela peut-il bien servir de nous répéter tous les jours que notre monde va disparaître en 2050 ou même en 2030 ? S’il existait le moindre risque que cela se produise, s’inquiéter du réchauffement climatique n’aurait alors aucun sens… En fait, la peur irrationnelle est avant tout une arme politique, puissante et dangereuse. Ce lavage de cerveaux relayé par des médias complaisants, des politiques qui prospèrent sur les angoisses et des gouvernants pusillanimes menés par l’air du temps est particulièrement efficace… notamment auprès des jeunes générations. Selon une étude menée par l’Ifop il y a trois ans, pas moins de 65 % des Français, 56 % des Britanniques et 52 % des Américains croyaient que « la civilisation telle que nous la connaissons actuellement va s’effondrer dans les années à venir ».

Et les mêmes adversaires de la technologie et du progrès économique nous expliquent comme Greta Thunberg qu’il faut « faire ce que dit la science ». Pourtant, la science ne dit rien. C’est même à cela qu’on la reconnaît. La science est une méthode et un ensemble de connaissances qui nous permettent de construire une compréhension du monde la plus vraisemblable à un moment donné. Ce n’est pas une vérité révélée, c’est même le contraire. La science a pour particularité de progresser, de se remettre en question, d’être critiquée, évaluée, et de voir ses théories fréquemment remises en cause et remplacées par d’autres plus solides et plus évoluées.

Révolution verte, espérance de vie, extrême-pauvreté

Le fameux rapport Meadows du Club de Rome, écrit par des scientifiques de renom dont justement Donella et Dennis Meadow du prestigieux MIT (Massachussetts Institute of Technology), défendait l’idée, comme l’économiste Thomas Robert Malthus, le démographe Paul Ehrlich de l’université de Stanford et les collapsologues, que l’augmentation exponentielle de la population allait provoquer une pénurie de ressources et un effondrement de l’humanité. Il s’est passé exactement le contraire…

On ne mesure pas souvent, par légèreté ou ignorance, l’importance et l’impact extraordinaires de la révolution verte qui depuis soixante-dix ans a multiplié les capacités de production agricole dans le monde. Selon les statistiques de la FAO (Food and Agriculture Organization), il y avait 2,5 milliards d’êtres humains sur terre en 1950 dont 65 % souffraient de malnutrition. La proportion de personnes mal nourries est tombée à 25 % en 1970, 15 % en 2000 et 8,9 % en 2019. Et dans le même temps, la population mondiale a été multipliée par plus de trois. Cela signifie qu’en 1950, la production alimentaire mondiale était capable de nourrir correctement environ 890 millions de personnes et en 2019 plus de 7 milliards…

Toujours entre 1950 et 2019, l’espérance de vie moyenne dans le monde a progressé de façon ininterrompue de plus de vingt-sept années. Entre 1990 et 2015, l’extrême pauvreté a été diminuée de moitié dans le monde, ce qui a permis à un milliard d’êtres humains d’y échapper. Et dans le même temps, l’humanité s’est agrandie de 3 milliards de personnes. Au cours des deux derniers siècles, l’alphabétisation, auparavant réservée à une élite, a été apportée à huit personnes sur dix.

Stratégies irréfléchies et inefficaces

Tout cela ne veut pas dire évidemment que nous vivons dans un monde idéal, que nous ne surconsommons pas et ne dilapidons pas les ressources de notre planète et qu’il ne faut pas mener la transition énergétique et écologique. Mais que se précipiter dans des stratégies irréfléchies et inefficaces pour donner l’impression de faire quelque chose ne mène nulle …

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3 réponses

  1. Tout cela ne veut pas dire évidemment que nous vivons dans un monde idéal, que nous ne surconsommons pas et ne dilapidons pas les ressources de notre planète et qu’il ne faut pas mener la transition énergétique et écologique.
    Voilà la phrase importante.
    N’oublions pas la démographie qui tend à voir les populations de tous les continents sauf l’Afrique encore incertaine se réduire de façon certaine au point que certains démographes osent commencer à parler de 4 milliards d’individus en 2100.
    C’est certainement le bas de la fourchette mais retenons que seule la maîtrise démographique nous permettra d’éviter le pire et d’automatiquement maîtriser notre énergie et ses conséquences climatiques. Le CO2 n’y étant pour rien!

    1. Une chose est certaine: les arbres ne montent pas au ciel, et l’évolution des taux de natalité dans tous les pays développés indique le chemin que suivra inévitablement aussi l’Afrique.
      Même le Japon s’est remis depuis peu à une politique nataliste, c’est tout dire!
      La décroissance démographique, c’est la mort, quoi qu’en disent les sinistres déclinistes et autres collapsologues de pacotille.

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