La chute du précédent article de cette chronique permet de faire la liaison avec le thème abordé par celui-ci et la recension d’un ouvrage auquel tout écologiste intransigeant se réfère pour le dédaigner, comme ce fut, par exemple, le cas lors de la séance publique de l’Académie royale de Belgique en octobre 2022 pour les 50 ans du Rapport Meadows commandé par le Club de Rome, et pour cause.
Dans Merchants of Despair : Radical Environmentalists, Criminal Pseudo-Scientists, and the Fatal Cult of Antihumanism (Marchands de désespoir – Les écologistes radicaux, les pseudo-scientifiques criminels et le culte fatal de l’anti-humanisme) publié en 2011, Robert Zubrin attaque frontalement l’assertion du Club de Rome suivant laquelle « le monde a le cancer et ce cancer, c’est l’homme » (in Mankind at a turning point, 1974).
La liaison avec l’article précédent réside dans ce que la scientificité alléguée de la théorie critique de la justice sociale (le wokisme) relèverait, selon la philosophe Sandra Laugier et le sociologue Albert Ogien, d’un prétendu « consensus académique » (comme l’origine anthropique du réchauffement du climat ferait l’objet d’un « consensus scientifique »), Pierre Jourde s’interrogeant quant à savoir si ceux qui invoquent ce type de consensus aujourd’hui eussent aussi adhéré à la thèse « scientifique » qui prévalut au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe (et par-delà), c’est à dire l’eugénisme.
Vie, liberté et recherche du bonheur
Il fut une époque, constate Robert Zubrin dans la préface de Merchants of despair, où l’humanité se voyait comme quelque chose de précieux, valant la peine d’être protégé, de se battre et de libérer. Ce fut le message de la Bible, la tradition en a été réaffirmée par l’humanisme de la Renaissance et en a été perpétuée par les grands penseurs de notre civilisation qui considérèrent l’amélioration de la condition humaine comme une fin et firent figurer parmi les droits inaliénables de l’homme ceux à la vie, la liberté et la recherche du bonheur, les gouvernements étant institués pour y veiller.
Mais, à présent, poursuit-il, nous sommes confrontés de partout à une vision du monde radicalement différente : l’homme ne serait qu’une vermine dont les aspirations et les appétits mettent en danger l’ordre naturel des choses. C’est l’idée centrale de l’anti-humanisme qui nous assaille de partout et dont les conséquences pour l’homme ne peuvent être que funestes.
« On n’accorde pas la liberté à la vermine. On ne cherche pas à avancer la cause d’un cancer », écrit Zubrin qui rappelle à cet égard le passage bien connu d’un discours que fit le Premier ministre de Grande-Bretagne William Pitt à la Chambre des communes, le 18 novembre 1783 : « La nécessité est l’argument de toute atteinte à la liberté humaine. C’est l’argument des tyrans, c’est le credo des esclaves. »
L’écologisme ne sert pas la cause de l’humanité. Il ne cherche pas à trouver des solutions adaptées à des problèmes concrets afin de rendre le monde meilleur. Il ne se préoccupe que de sa propre thèse, laquelle est que l’humanité est un agent pathogène dont il faut éradiquer les effets au nom d’un ordre naturel supérieur. C’est en cela qu’il est une idéologie – « l’idéologie diffère d’une simple opinion en ceci qu’elle affirme détenir soit la clé de l’histoire, soit la solution à toutes les « énigmes de l’univers« , soit encore la connaissance profonde des lois cachées de l’univers qui sont supposées gouverner la nature et l’homme », a écrit Hannah Arendt dans Les origines du totalitarisme – et c’est en cela qu’il est un anti-humanisme.
Gauche d’alors et d’aujourd’hui
Le réchauffement climatique, souligne en substance Zubrin, qui ne le conteste pas, quelle qu’en soit la cause, ainsi que le dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont des effets bénéfiques, notamment en allongeant la période de croissance végétale, en accroissant les précipitations, en favorisant la photosynthèse. C’est tout bénéfice pour l’agriculture et la nature en général.
Que face à ce phénomène dans lequel il voit une menace fictive l’écologisme propose un système d’oppression globalisé ne doit pas étonner, c’est le propre de l’anti-humanisme dont le livre de Zubrin dénonce précisément dans les détails les plus sordides les effets pervers dont l’Holocauste est la plus connue mais tragiquement pas la seule ignominie dans l’histoire des hommes.
Zubrin fait remonter la tradition antihumaniste moderne à Thomas Malthus (1766-1834), le prêtre anglican et économiste, professeur au collège de la Compagnie anglaise des Indes orientales, connu pour sa thèse selon laquelle la croissance de la population dépasse celle des ressources disponibles et pour sa prescription d’un contrôle strict de la natalité qui inspira les mesures de répression brutale de son employeur dans le sous-continent indien. Ses idées furent publiées de manière anonyme en 1798 dans son Essai sur le principe de la population en tant qu’il influe sur le progrès futur de la société avec des remarques sur les théories de M. Godwin, de M.Condorcet et d’autres auteurs dans lequel Malthus s’en prenait à la notion que la liberté, le savoir et le progrès technique assureraient une vie décente à l’ensemble de l’humanité.
Il paraîtrait ironique, si ce n’était tragique, que la gauche d’aujourd’hui embrasse l’écologisme en ce que les racines de cette idéologie sont profondément malthusiennes, pour le pire car il n’y a pas de meilleur. A l’époque et pendant le XIXe siècle, la gauche qui se battait encore pour l’amélioration du sort des pauvres, la justice sociale et l’égalité avait, Friedrich Engels compris, clairement reconnu en Malthus son pire ennemi. (A suivre)
Merchants of Despair : Radical Environmentalists, Criminal Pseudo-Scientists, and the Fatal Cult of Antihumanism, Robert Zubrin, 328 p.
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