(Dans The Epoch Times du 7/10/23)
Sous le sol poussiéreux du Nevada rural, des aquifères souterrains colossaux rendent la vie possible. Bien qu’il ne reçoive que 25 cm de pluie par an, l’État le plus sec des États-Unis possède d’importantes ressources en eaux souterraines qui permettent aux éleveurs, aux agriculteurs et aux écosystèmes vitaux des prairies de subsister.
Toutefois, cette source précieuse est confrontée à une nouvelle menace : la demande croissante de minerais nécessaires à la production de technologies dites d’énergie verte.
Les États-Unis ne sont pas les seuls à être confrontés à ce problème. Les communautés du triangle du lithium en Amérique du Sud souffrent également des effets de l’utilisation accrue de l’eau par les exploitations minières qui s’empressent de répondre à la demande d’énergie renouvelable.
Entre 2017 et 2022, les technologies d’énergie propre ont triplé la demande de lithium et créé une hausse de 70% de la demande de cobalt. La demande de cuivre en tant que minéral de transition énergétique devrait doubler d’ici 2035.
Mais ce n’est qu’un début. Les Nations unies affirment que la production de minéraux destinés au secteur des énergies vertes devra augmenter de 500% d’ici à 2050 pour répondre à la demande croissante.
Entre-temps, l’approvisionnement en eau de la planète connaît déjà des difficultés. Une analyse estime que la moitié de la population mondiale pourrait vivre dans des zones où l’eau est rare d’ici 2025. D’ici à 2030, 700 millions de personnes supplémentaires pourraient être amenées à se déplacer faute d’eau. Sans compter l’intensification des activités minières nécessaires pour répondre à la demande croissante d’énergie renouvelable.
La pénurie d’eau est une préoccupation que les autorités américaines considèrent comme une priorité. L’année dernière, la Maison Blanche a annoncé un plan pour la sécurité de l’eau dans le monde, qui identifie les « liens directs entre l’eau et la sécurité nationale des États-Unis ».
Pourtant, de nombreux responsables et organisations qui expriment leur inquiétude quant à la rareté de l’eau sont de fervents partisans de l’exploitation minière liée à l’énergie.
La fabrication de produits tels que les panneaux solaires, les batteries de véhicules électriques (VE) et les éoliennes fait appel à l’exploitation minière et à l’eau à grande échelle. Les minéraux essentiels utilisés pour les technologies « vertes » – le cuivre, le lithium, le cobalt, le nickel et le graphite – nécessitent une quantité d’eau stupéfiante pour être produits. C’est particulièrement vrai pour le lithium, qui utilise 1900 mètres cube d’eau par tonne métrique lors du processus d’extraction.
Les écologistes critiquent souvent la méthode d’extraction par saumure du lithium pour sa consommation considérable d’eau, bien que d’autres éléments utilisés pour la construction des nouvelles technologies énergétiques, en particulier le cuivre, nécessitent également beaucoup d’eau.
Selon le Service géologique des États-Unis (U.S. Geological Survey), plus de 380 mètres cube d’eau par tonne de cuivre sont utilisés pour la production nationale.
« Les opérations d’extraction de saumure utilisent beaucoup d’eau. L’exploitation minière, en général, utilise beaucoup d’eau »,
Un processus d’assèchement
M. Hadder explique avoir constaté qu’aux États-Unis, l’augmentation de la production nationale de lithium se fait au détriment d’une analyse objective de l’environnement. La mine contestée de Thacker Pass, dans le Nevada, est l’un de ces projets, auquel les éleveurs locaux et les communautés amérindiennes se sont opposés pour protéger les eaux souterraines, le patrimoine culturel et l’environnement.
M. Hadder a indiqué que, bien qu’une étude d’impact ait été réalisée pour Thacker Pass, les détails relatifs à l’atténuation des dommages et à la protection des ressources en eau font cruellement défaut. Il s’attend à ce que cette tendance se retrouve dans les futures opérations d’extraction de minéraux destinés à la production d’énergie verte.
« Les dégâts ont déjà été causés », a-t-il ajouté.
Ce drainage artificiel des aquifères souterrains ou « assèchement » peut avoir un effet à long terme sur les ressources existantes, qui pourrait durer des décennies, voire des siècles.
Parfois, l’exploitation minière fait baisser le niveau de la nappe phréatique de manière significative. M. Hadder a cité le projet Cortez Hills au Nevada, où la nappe phréatique s’est abaissée de près de 1200 pieds (365 mètres).
« Nous parlons de près d’un quart de mille », a-t-il précisé.
« Cet assèchement affectera toutes les eaux souterraines qui y sont liées : sources, eaux de surface… Il faudra une centaine d’années ou plus pour que cette nappe phréatique se reconstitue. Il ne s’agit pas d’un effet à court terme. Certains de ces effets pourraient être permanents », a-t-il souligné.
Perte d’eau
En Argentine et au Chili, les gens protestent depuis des années contre les effets dévastateurs de l’extraction de minerais, notamment de cuivre et de lithium, sur leur eau.
Le Chili, premier producteur mondial de cuivre, est un membre clé du triangle du lithium en Amérique du Sud, aux côtés de l’Argentine et de la Bolivie.
Une analyse scientifique réalisée en 2021 sur le secteur minier chilien, dont la majeure partie se trouve dans la région aride du désert d’Atacama, a conclu que l’excavation pourrait avoir des « impacts significatifs » sur les ressources en eau douce de la région et de la communauté.
Les Chiliens protestent activement contre cette situation depuis 2013. Cette année-là, 6000 manifestants ont donné le coup d’envoi d’une série de mobilisations contre la pénurie d’eau, dont une marche sur la capitale, Santiago. Les médias locaux ont rapporté que les manifestants avaient remis une lettre au président de l’époque, Sebastián Piñera, déclarant :
« [La construction minière] assèche nos bassins, elle dévaste les cycles de l’eau qui ont soutenu nos vallées pendant des siècles, elle sème la mort sur nos territoires. »
Dans la province reculée de Jujuy, dans le nord de l’Argentine, des centaines d’autochtones bloquent les routes menant aux mines de lithium et font pression sur le gouvernement provincial depuis le mois de juin pour qu’il mette fin aux travaux d’excavation dans la région, en raison du stress qu’ils exercent sur l’eau de la communauté et sur les pâturages environnants pour le bétail.
Des foules de personnes se sont mobilisées pour arrêter la production en brandissant le drapeau indigène andin wiphala et des pancartes portant des slogans tels que « Nous ne mangeons pas de piles. Ils prennent l’eau, la vie disparaît ».
Les manifestants ont essuyé des tirs de la police ; selon des rapports locaux, plus de 70 personnes ont été blessées lors d’un affrontement avec les forces de l’ordre qui s’est déroulé le 20 juin.
Lithium Americas – la même société impliquée dans le projet Thacker Pass au Nevada – exploite depuis 2015 la mine Cauchari-Olaroz, un des projets contestés en Argentine.
Comme de nombreuses entreprises qui profitent de la manne offerte par le mouvement dit des énergies renouvelables, Lithium Americas se targue d’être engagée dans la lutte contre le « changement climatique » et affirme être l’entreprise la plus « respectueuse de l’environnement » dans le secteur de l’extraction du lithium.
En août, la ministre des mines de l’Argentine, Fernanda Avila, a prédit que le secteur du lithium du pays augmenterait d’au moins 50% d’ici la fin de 2023. Pendant ce temps, les habitants de Jujuy voient leur eau disparaître et leurs animaux lutter pour survivre.
Beaucoup se demandent en quoi cette approche est verte ou renouvelable.
« L’exploitation du lithium finira par poser un problème pour l’eau ici aussi », a assuré à Epoch Times un habitant d’Uyuni, en Bolivie, qui a demandé à être appelé Benji.
Au sein du triangle du lithium, c’est la Bolivie qui possède les réserves de lithium les moins développées, mais les plus prometteuses. Sous l’immense et célèbre salar d’Uyuni se trouve l’un des plus grands gisements de lithium au monde.
« Les gens ici [à Uyuni] parlent à voix basse parce que si vous ne travaillez pas dans le tourisme, vous travaillez dans le lithium », a affirmé Benji.
À près de 12.000 pieds (3660 mètres) au-dessus du niveau de la mer, le salar d’Uyuni fait partie du désert le plus sec du monde, où l’eau est d’ores et déjà rare.
Benji travaille pour une agence de voyage qui propose des excursions sur le site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Selon lui, si le tourisme venait à s’essouffler, la moitié de la ville serait contrainte de partir et les familles restantes dépendraient de l’industrie du lithium.
« Les gens ne pourront se plaindre de rien. Leur survie sera entre les mains d’une seule entreprise », a-t-il prédit.
Les États-Unis assistent à un scénario similaire dans le Nevada, où les communautés luttent déjà pour préserver leurs précieuses nappes phréatiques sans exploitation minière supplémentaire.
Comté de Lander, Nevada
Vivre à proximité de ces mines tentaculaires est une réalité que des habitants comme Mme Tenney ne peuvent ignorer.
« J’ai cinq enfants en bas âge […]. Je suis préoccupée par la qualité de l’air, la pollution sonore que nous avons déjà subie avec la mine de Cortez. Je ne peux même pas imaginer à quel point la situation va empirer », a confié Mme Tenney à Epoch Times.
Selon elle, le bruit des véhicules qui roulent sur la route de la mine de Cortez, toute proche, ressemble à celui d’une personne qui viendrait directement dans son allée. Mais l’effet sur l’eau est particulièrement préoccupant.
« Nous avons acheté notre propriété parce qu’elle est traversée par deux ruisseaux, et l’année dernière, sans l’assèchement qui va être réalisé, nos ruisseaux ont atteint un niveau particulièrement bas », a-t-elle indiqué.
« Je ne peux pas imaginer combien de temps il faudra attendre avant que l’eau ne s’assèche complètement. Nous avons un puits… si le niveau de l’eau baisse, notre puits sera très probablement moins productif. »
Le tarissement des nappes phréatiques est alarmant pour les habitants, mais l’exploitation minière pour les éléments nécessaires à la production d’énergie renouvelable utilise le surplus d’eau de bien d’autres manières, de la création de l’acide sulfurique nécessaire à l’extraction du lithium à la réduction de la pollution par les poussières par l’arrosage des sols.
« Je ne sais pas avec certitude comment les choses vont évoluer, mais [l’aquifère] ne se rétablira pas avant quelques centaines d’années. Donc, si vous êtes sur cette trajectoire, peut-être que vos arrière-arrière-arrière-arrière-petits-enfants auront à nouveau de l’eau », a indiqué à Epoch Times un autre habitant du comté de Lander, qui a demandé à garder l’anonymat.
Comme Benji en Bolivie, ce résident anonyme du Nevada n’a pas souhaité être identifié pour des raisons de sécurité d’emploi. Comme en Bolivie, dans une ville minière du Nevada, tout le monde est lié au projet d’une manière ou d’une autre.
« Si vous vous trouvez dans ce cône de dépression, vos eaux souterraines sont aspirées »,
a ajouté le résident, précisant que la majeure partie de l’eau prélevée lors de l’exploitation minière est acheminée vers des bassins d’infiltration rapide.
Cependant, selon M. Hadder, il existe un problème bien plus important encore concernant les mesures d’atténuation : outre l’absence d’analyse environnementale indépendante pour ces projets, les mesures d’atténuation ne font pas l’objet d’un examen approfondi.
Le résident du comté de Lander, qui a été témoin de cette situation à plusieurs reprises, a indiqué que les sociétés d’extraction « s’en sortent avec un sourire de travers et disent : ‘Ne vous inquiétez pas, nous nous en occuperons’ ».
Mme Tenney a souligné que l’assèchement affecterait probablement l’ensemble de la zone de loisirs d’Indian Creek, et pas seulement sa maison.
Les sociétés minières disent : « Nous remettrons l’eau à sa place ».
« Mais ils l’ont remis dans un endroit différent. Ils la remettent peut-être dans la vallée, mais elle ne retourne pas à Indian Creek, où nous nous trouvons. Et nous avons beaucoup de truites et d’autres poissons dans nos ruisseaux. »
« L’exploitation minière peut créer une pollution de l’eau dont on ne voit pas la fin. Et c’est autorisé par la loi américaine. »
Les responsables de l’Agence américaine de protection de l’environnement et du ministère de l’Intérieur n’ont pas répondu à la demande de commentaire formulée par Epoch Times.
Au Nevada, des citoyens inquiets ont organisé des réunions publiques, signé des pétitions et participé à des manifestations, mais les travaux d’excavation se poursuivent.
« Les gens viennent ici de partout pour pêcher et chasser », a expliqué Mme Tenney. « C’est dommage, Indian Creek est un ruisseau exceptionnel qui coule tout au long de l’année. Il serait vraiment dommage que [les sociétés minières] viennent l’assécher. »