Nous republions ici un article de Novethic, qui montre bien la folie dans laquelle nous entraîne cette lutte française contre le CO2 (dont nous représentons moins de 1% mondial)
Patrick Pouyanné contre-attaque avant l’assemblée générale de TotalEnergie, le 24 mai. Celle-ci s’annonce, comme chaque année, à haute tension climatique. Le PDG de la major a déclaré à Bloomberg en fin de semaine dernière qu’il envisageait sérieusement d’abandonner le CAC40 pour Wall Street, où se trouve une majorité de ses actionnaires “mieux à même de comprendre sa stratégie d’intensification de la production d’énergies fossiles”.
Menacé par deux résolutions actionnariales, l’une demandant à séparer les fonctions du PDG Patrick Pouyanné, et l’autre de limiter le rachat d’actions pour financer la transition énergétique, le conseil d’administration de TotalEnergies a refusé tout net de les inscrire à l’ordre du jour de son assemblée générale qui doit se tenir dans moins d’un mois. Réuni le 25 avril, il a balayé les prétentions des actionnaires qui lui demandaient d’améliorer sa gouvernance et de mieux financer la transition énergétique en insistant sur leur faible poids. La résolution demandant à séparer les fonctions de président et de directeur général de Patrick Pouyanné, a pourtant obtenu le quota nécessaire de 0,5%.
Le conseil d’administration l’a repoussée estimant que ses porteurs ne représentaient “que” 0,9% du capital de TotalEnergies et d’autre part que ce choix de gouvernance a été adopté à l’unanimité par le conseil en septembre 2023. Il a décidé de faire exercer les fonctions de président et directeur général par un seul et même homme après une longue instruction menée par les instances de l’entreprise. Son modèle de gouvernance consiste à donner une sorte de “contrepouvoir au PDG” à un administrateur référent qui n’est autre que Jacques Aschenbroich, par ailleurs président du conseil d’administration d’Orange, autre membre du CAC40. Le conseil d’administration compte un autre président de l’indice phare de la Bourse française, Jean Lemierre, président de BNPParibas. Un référé a été déposé pour obliger TotalEnergies à inscrire la résolution à l’assemblée générale du 24 mai malgré la résistance du conseil.
Les actionnaires américains pèsent de plus en plus lourd
La démarche ne doit pas être étrangère à l’annonce de Patrick Pouyanné faite lors d’un entretien à Bloomberg publié le 26 avril. Il a affirmé “réfléchir sérieusement à une cotation principale de son entreprise à New York” et a quitté ainsi le CAC40. Avec 167 milliards d’euros de capitalisation, TotalEnergies est la quatrième entreprise de cet indice boursier, derrière LVMH, Hermès et L’Oréal. Le PDG de TotalEnergies a précisé :
“Nous sommes confrontés à une situation où les actionnaires européens vendent ou maintiennent leur participation et où les actionnaires américains achètent”.
En 12 ans, les premiers sont passés de 45 à 34% et les seconds de 33 à 48%.
Le nœud du problème est la stratégie énergétique défendue par le PDG de TotalEnergies qui considère qu’il doit intensifier la production d’énergies fossiles tant qu’il y a de la demande et que les profits ainsi réalisés servent la transition énergétique. Lors de la présentation de ses résultats trimestriels, TotalEnergies a affirmé vouloir consacrer 5 milliards d’euros sur les 17 à 18 milliards d’euros d’investissements à ce qu’il appelle l’électricité intégrée. Elle recouvre l’électricité produite à base de solaire et d’éolien mais aussi de gaz. En revanche aucun commentaire sur la production de renouvelables lors de la publication des résultats financiers, entièrement axés sur les variations du prix du baril et son impact sur la rentabilité du raffinage.
Shell aussi a transféré son siège en 2021
Ce désintérêt a motivé une autre résolution actionnariale portée par Phitrust. Elle visait à stopper le rachat d’actions pour les supprimer afin de faire monter les cours pour le remplacer par un financement plus important de la transition énergétique. La résolution n’ayant obtenu que 0,11% des voix d’actionnaires, le conseil d’administration s’est contenté de constater qu’elle n’a pas les moyens d’être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale qui s’annonce mouvementée malgré tout.
Mettre un océan entre les défenseurs du climat et ses actionnaires sera-t-il réellement un refuge pour TotalEnergies et son PDG emblématique ? Il n’est pas le premier dirigeant de major pétrolière a tenté de fuir les règlementations européennes. Fin 2021, Shell a transféré son siège social des Pays Bas au Royaume-Uni. Elle voulait ainsi échapper au jugement du tribunal néerlandais qui l’avait condamné à réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre (de 45% d’ici 2030) pour aligner ses objectifs climatiques sur l’Accord de Paris.
Cela n’a pas empêché son AG 2023 d’être très perturbée à Londres par des activistes climatiques ni l’assignation en responsabilité climatique du conseil d’administration par l’ONG Client Earth. Celle-ci a déclaré en 2023 que
“la transition vers une économie bas carbone est inévitable”. “Pourtant, le conseil d’administration persiste laissant l’entreprise exposée aux risques que pose le changement climatique alors qu’il hypothèque la réussite future de Shell. Or le conseil a un devoir légal de gérer ces risques !” a-t-elle expliqué.