Les crédits carbone issus des énergies renouvelables échouent aux nouveaux tests d’intégrité

Un tiers des crédits carbone sur le marché volontaire, liés aux énergies renouvelables, ne seraient pas suffisamment fiables. Le Conseil d’intégrité pour le marché volontaire du carbone (ICVCM) refuse de leur délivrer son nouveau label à haute intégrité. En cause : le fait que la plupart du temps, ces projets sont déjà plus compétitifs que les énergies fossiles et ne nécessitent pas de financements via la compensation carbone.

Nouveau coup dur pour le marché volontaire des crédits carbone. Après la parution la semaine dernière d’un document de la Science based target initiative reconnaissant leur inefficacité, c’est désormais le Conseil d’intégrité pour le marché volontaire du carbone (ICVCM) qui refuse de délivrer son nouveau label à haute intégrité aux crédits carbone liés aux énergies renouvelables. Ces derniers concernent 32% du marché volontaire carbone. C’est donc un tiers du marché de la compensation qui est tout bonnement déclaré pas assez fiable.

Les crédits carbone, générés par des projets tels que la plantation d’arbres, les énergies renouvelables ou l’installation de cuisinières plus propres, censés réduire les émissions ou éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère, sont utilisés par les entreprises pour réduire leur bilan carbone. Mais ils sont de plus en plus contestés. Alors que jusqu’à présent, les critiques portaient principalement sur les projets de reboisement ou de plantations d’arbres, les experts commencent également à s’inquiéter de la qualité des crédits carbone liés aux énergies renouvelables, en raison de leur manque d’additionnalité.

“Décisions difficiles”

En effet, une condition essentielle pour garantir l’intégrité des crédits carbone est celle de l’additionnalité. Cela signifie que la vente de crédits carbone doit financer des projets qui n’auraient pas pu exister sans ce financement. Or, l’ICVCM, organisme de gouvernance indépendant qui vise à établir une norme mondiale d’intégrité élevée sur le marché volontaire du carbone, estime que les huit méthodologies utilisées pour concevoir et mettre en œuvre des projets d’énergie renouvelable ne sont pas suffisamment rigoureuses pour évaluer si les projets auraient pu être réalisés sans l’incitation des revenus des crédits carbone.

Nous prenons les décisions difficiles nécessaires pour construire un marché volontaire du carbone de haute intégrité”, justifie Annette Nazareth, présidente du Conseil d’intégrité.

L’ICVCM ne ferme toutefois pas complètement la porte aux projets d’énergie renouvelable et appelle les programmes de crédits carbone à élaborer des méthodologies actualisées. 

“Les projets d’énergies renouvelables financés par des crédits carbone ont encore un rôle à jouer dans la décarbonisation des réseaux énergétiques, car il reste difficile pour de nombreux pays les moins avancés d’obtenir les investissements dont ils ont besoin pour s’affranchir des combustibles fossiles”, poursuit ainsi Annette Nazareth.

“Option déjà plus viable que les énergies fossiles”

Dans un rapport publié en juin dernier, le Carbon Market Watch révélait déjà le manque de fiabilité des projets de crédits carbone liés aux énergies renouvelables.

Dans de nombreuses régions du monde, les énergies renouvelables constituent déjà une option plus viable et plus logique sur le plan économique que les énergies fossiles. Il est donc très peu probable que le financement obtenu grâce aux crédits carbone apporte quoi que ce soit de plus”, expliquaient ses chercheurs.

Selon le Berkeley Carbon Trading Project, en 2023, environ 53 millions de crédits de projets d’énergie renouvelable ont été retirés du marché, contre 50 millions de crédits REDD+, ceux liés aux projets forestiers. Pour les experts de Carbon Market Watch, cela démontre 

“que les acheteurs sont conscients que ce qu’ils achètent n’est pas à la hauteur, mais se laissent influencer par leur prix bas et l’absence de contrôle public”.

Le prix des compensations pour les énergies renouvelables a chuté de 69% l’année dernière pour atteindre une moyenne de 3,88 dollars par tonne d’équivalent de dioxyde de carbone réduite, selon un rapport de l’organisation à but non lucratif Ecosystems Marketplace, publié en mai.

De leur côté, les principaux registres mondiaux de crédits carbone, Verra et Gold Standard, ont exclu depuis 2019 les projets d’énergies renouvelables qui ne se trouvent pas dans les pays les moins avancés. Ils ont également indiqué qu’ils prendraient en compte les lacunes pointées par l’ICVMC dans le cadre de consultations pour la révision de leurs méthodologies respectives.

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