La COP Désertification va-t-elle réussir à se hisser au même niveau que les deux autres COP sur le climat et la biodiversité ? En se déclarant pays « affecté » par la dégradation des terres et la sécheresse, la France fait en tout cas un pas en ce sens. Désormais, 170 pays sur 197 se sont déclarés « affectés » et s’engagent à mesures leurs efforts sur l’état des sols.
C’est la fin de « l’exception française ». Au lendemain de l’ouverture de la COP16 Désertification, qui a démarré le 2 décembre à Riyad en Arabie saoudite, la France a donné un élan à ce sommet en se déclarant « pays affecté » par la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse. Un pas qu’elle n’avait jamais franchi auparavant.
(NDLR : on peut légitimement se demander d’où « la France » ou les ONG qui en tiennent lieu, ont pu tirer cette information : la plupart des nappes phréatiques sont quasiment au dessus de leur niveau nominal et elles l’ont été toute l’année : par exemple : https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/nappes-eau-souterraine-au-1er-aout-2024).
Elle rejoint ainsi les 169 pays qui se disent déjà affectés, et notamment les pays du pourtour méditerranéen comme l’Espagne, l’Italie, la Grèce ou encore la Turquie, les pays du Sud y compris la Chine, l’Inde ou encore le Brésil, et l’Australie.
Les pays qui ne se sont pas déclarés sont tous les pays de l’Union européenne, hors pourtour méditerranéen à l’instar du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou des Pays-Bas, ainsi que les Etats-Unis ou encore le Canada.
« Se déclarer partie affectée, c’est envoyer un message de solidarité aux pays les plus vulnérables et réaffirmer au plan international notre engagement à lutter contre la désertification », a ainsi expliqué Thani Mohamed-Soilihi, le secrétaire d’État chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, en séance plénière. « La déclaration de la France comme partie affectée auprès de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification est un pas de plus pour prendre davantage en compte cette réalité, et je m’en réjouis« , a-t-il ajouté.
« Convention des pauvres »
Selon le comité scientifique français de la désertification, environ 1% du territoire du pays est affecté, notamment le pourtour méditerranéen et la Corse-du-Sud, ainsi que La Réunion, Guadeloupe et Mayotte. La métropole a notamment connu une sécheresse inédite en 2022, avec un déficit pluviométrique de 25% par rapport à la moyenne 1991-2020, situant l’année 2022 au deuxième rang des années les moins pluvieuses depuis 1959. A Mayotte, où la sécheresse sévit depuis de nombreuses années, les coupures d’eau ont été rallongées pour faire face à une hausse de la consommation.
En se déclarant « affecté », le pays s’engage à réaliser un reporting tous les quatre ans sur l’état de ses sols en mesurant plusieurs critères définis par la Convention : l’indice d’aridité des sols, leur productivité primaire ou encore le stock de carbone contenu dans les sols. Plus symboliquement, il s’agit aussi de montrer que le sujet de la désertification et de la dégradation des terres compte.
La COP Désertification, « initialement dédiée à l’Afrique », a été « trop longtemps réduite par la communauté internationale à un instrument environnemental mineur sous le terme péjoratif de ‘convention des pauvres' »,
déplore le CARI (Centre d’actions et de réalisations internationales) dans un communiqué. L’association de solidarité internationale, qui suit ces COP depuis le tout début, salue donc l’initiative de la France qui
« lève une ambiguïté historique sur son implication dans la Convention des Nations Unies de lutte contre la désertification ».
Investir 1 dollar pourrait générer jusqu’à 8 dollars
La question de la sécheresse est au cœur de la COP16 Désertification. Les pays africains défendent l’adoption d’un protocole juridiquement contraignant dédié à la sécheresse, auquel serait adossé un fonds spécifique. Mais en face, les Etats-Unis et l’Union européenne notamment ne veulent pas s’engager sur de nouvelles contraintes. Le changement de positionnement de la France peut-il renverser le rapport de force ? Difficile à prédire.
Les chiffres sont en tout cas alarmants. Un rapport (de l’ONU) publié mardi 3 décembre estime que les sécheresses coûtent déjà plus de 300 milliards d’euros par an, au niveau mondial. Elles devraient s’amplifier sous l’effet du changement climatique et toucher 75% de la population mondiale d’ici 2050. Plus globalement, la désertification, la dégradation des terres et les sécheresses coûtent près de 900 milliards de dollars par an à l’économie mondiale. Pourtant, investir 1 dollar dans la restauration des terres pourrait générer jusqu’à 8 dollars en bénéfices sociaux, environnementaux et économiques telle qu’une productivité agricole accrue, une meilleure résilience face au climat, l’amélioration des services écosystémiques, selon un autre rapport également publié pendant la COP.
Le montant total des investissements nécessaires – 2,6 trillions USD d’ici 2030 – équivaut à ce que le monde dépense chaque année en subventions nuisibles à l’environnement, selon un récent rapport d’Earthtrack. En attendant une décision à la COP, l’Arabie saoudite, pays hôte de la COP 16, lance le « partenariat mondial de Riyad pour la résilience face à la sécheresse ». Celui-ci est doté d’engagements de financements à hauteur de 2,15 milliards de dollars, qui seront en priorité dédiés aux 80 pays les plus arides et vulnérables.
(NDLR : … dont nous faisons donc partie ?)