Contribution du Méthane à l’ “effet de serre”

Le méthane est le dernier avatar de l’effet de serre, au point que sa promesse de réduction par certains pays est mise en exergue dans l’accord de la COP26. Mais quelle est exactement sa contribution au réchauffement climatique ?

Petit rappel sur le fonctionnement thermodynamique du climat :

La théorie de l’ “Effet de serre atmosphérique” repose sur l’opacité de quelques gaz, en particulier le CO2 (“dioxyde de carbone”, ou plus communément “gaz carbonique”) et la vapeur d’eau, au rayonnement infra-rouge (IR) renvoyé par la surface de la Terre ; cette opacité fait que l’atmosphère retient la chaleur reçue du soleil par la surface du sol (comme le ferait une couverture sur notre corps).

… Mais pas totalement, car sinon la température augmenterait sans fin sous l’action du rayonnement solaire : il y a (heureusement) quelques effets régulateurs :

  • d’une part il existe une bande de transparence (qu’on appelle “fenêtre atmosphérique“) au milieu des bandes de fréquences opaques, par laquelle une partie du rayonnement terrestre peut s’échapper (un peu comme si notre couverture était trouée) ; mais en dehors de cette bande de fréquences, l’atmosphère est totalement opaque ;
  • d’autre part, la convection naturelle, et surtout, l’évaporation (croissantes avec la température) prélèvent une quantité de chaleur considérable (la “chaleur latente de vaporisation” est 500 fois plus importante que celle nécessaire pour élever la température de l’eau de 1°C), pour la renvoyer en haut des nuages (en traversant la couche opaque), où cette vapeur d’eau se condense et restitue cette chaleur au cosmos par rayonnement : c’est une sorte de caloduc, qui évacue à lui seul près des 3/4 de la chaleur reçue du soleil.

 

Ces phénomènes régulateurs sont d’autant plus importants que la température est élevée ; en particulier, l’évaporation est le principal régulateur du climat.

Le graphe ci-dessous, gradué en abscisse en fréquence de rayonnement (IR terrestre) figure :

  • d’une part le spectre de rayonnement de la surface de la Terre à 15°C en moyenne (courbe orange, en W/m2/THz),
  • d’autre part l’opacité de l’atmosphère dans ce spectre de fréquence, opacité due en particulier au CO2 en noir et rouge) et à la vapeur d’eau (en bleu) : cette opacité (épaisseur optique) peut être considérée comme totale au dessus de la valeur 2 (une épaisseur optique de 1 correspond en gros à celle d’une feuille de papier),
  • enfin la “fenêtre atmosphérique”, située entre 25 et 36 THz, où l’épaisseur optique est de l’ordre de 0,3, donc relativement transparente.

(Source Camille Veyres)

Revenons au méthane :

Il y a environ 2 ppm de méthane dans l’atmosphère (contre 420 ppm de CO2)

D’où provient ce méthane ?

Il est généralement admis (ONU) que l’homme intervient pour moitié, soit 1 ppm, se répartissant de la façon suivante :

  • 35% viennent de l’extraction des combustibles fossiles (dont 1/3 du charbon)
  • 20% viennent de la décomposition des déchets
  • 40%  viennent de l’agriculture

 

Le pouvoir réchauffant du Méthane est 28 fois supérieur à celui du CO2 : on pourrait donc en déduire que ce ppm de méthane est équivalent, pour l’effet de serre, à 28 ppm de CO2,

… et donc, se rajoutant aux 140 ppm d’augmentation de la concentration de CO2 depuis le début de l’ère industrielle, il contribue pour 20% à l’augmentation de température.

Mais les choses ne sont pas aussi simples :

Le graphe ci-dessus figure la position en fréquence de la bande d’absorption du méthane (en vert) : on constate :

  • d’une part que la courbe de puissance rayonnement de la surface de la Terre (corps noir à 288K, soit 15°C, en orange) y est, à 40 THz, 2 fois plus faible que dans la bande d’absorption du CO2 (en rouge à 20 THz) : on peut donc considérer en première approximation que l’équivalence en CO2 n’est pas 28 ppm, mais la moitié ;
  • d’autre part, que cette bande d’absorption du méthane est noyée dans celle de la vapeur d’eau (entre 36 et 70 THz), qui opacifie déjà totalement l’atmosphère dans cette bande de fréquence.

 

Le graphe suivant figure l’OLR (Outside Longwave Radiation) de la Terre au cosmos, c’est-à-dire l’intensité du rayonnement de la Terre en fonction de sa fréquence, vu depuis le cosmos (1) : la surface sous la courbe noire figure l’intensité de rayonnement global : plus cette surface est grande, plus la Terre se refroidit : le graphe montre en particulier comment évoluerait l’OLR en fonction de la concentration de méthane (CH4) (aux alentours de 1300 cm-1):

  • en vert, l’OLR sans méthane, 
  • en noir, l’OLR avec la concentration actuelle de méthane,
  • en rouge (si vous arrivez à le distinguer du noir), avec une concentration doublée par rapport à l’actuelle

Ce graphe est issu d’une étude de Vijngaarden et Happer (2020).

On peut donc en déduire que le méthane, quoi qu’on en dise, à une influence négligeable sur l’ “effet de serre”.


(1) la courbe de rayonnement OLR est corrélée avec la température de rayonnement, c’est-à-dire l’altitude à laquelle ce rayonnement est produit : on voit ainsi, par exemple que dans la bande du CO2, le rayonnement est beaucoup plus faible, donc plus froid, et qu’il provient donc d’une altitude élevée où il se raréfie suffisamment pour ne plus être opaque. (La courbe bleue figure une courbe de rayonnement idéale à 15°C).

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2 réponses

  1. Divergence dans les chiffres
    “cette vapeur d’eau se condense et restitue cette chaleur au cosmos par rayonnement : c’est une sorte de caloduc, qui évacue à lui seul près des 3/4 de la chaleur reçue du soleil.”

    Trenberth et al. (2009) donnent pour l’évacuation par la chaleur latente de l’eau 80 W/m² contre 396 W/m² par rayonnement : (https://actugeologique.fr/2019/02/le-bilan-radiatif-de-la-terre/ – dernier graphique).
    On est bien loin des 3/4 !

    1. Ces 396 W/m2 ne correspondent à rien ; ou plutôt, ils correspondent à ce que rayonnerait directement un sol à 15°C vers de le cosmos s’il n’y avait aucun obstacle, ce qui n’est pas le cas.
      Si on veut faire un bilan sensé au sol, il faut raisonner en flux reçu – flux renvoyé, sans tenir compte de ces histoires de “rétro-rayonnement” (à toutes fins utiles, je vous renvoie à https://laphysiqueduclimat.fr/wp-content/uploads/2020/08/R%C3%A9tro-rayonnement_A.pdf).
      Le sol reçoit environ 160 W/m2 (du soleil) et en renvoie 40 W/m2 par la “fenêtre”, le reste étant bloqué par les GES : il se crée donc un déséquilibre reçu – renvoyé, et c’est ce déséquilibre qui réchauffe la surface du sol, … jusqu’à ce qu’il soit suffisant pour que la température soit assez élevée pour engendrer une évaporation et une convection qui le compensent.
      Dans le diagramme de Trenberth, il faut rapporter ces 80 W/m2 aux 160 W/m2 reçus, et non pas aux 396.

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