EDF face à l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique)

EDF contre l’ARENH ce n’est pas « Kramer contre Kramer » mais « État contre État » puisque EDF est en passe d’être nationalisée.

Beaucoup de monde semble maintenant comprendre ce qu’est l’ARENH, autrement dit l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Cet objet économique d’un curieux genre a été inventé par la France pour répondre aux accusations de monopole envers EDF par la Commission de la concurrence européenne.

La Commission était de mauvaise foi.

En effet, si EDF était bien en situation de monopole en France, ce n’était pas le cas en Europe. Or, sur tous les autres sujets concernant l’électricité, en particulier les prix, c’est la plateforme interconnectée européenne qui est considérée, dans laquelle EDF ne répond plus aux critères de monopole.

Au lieu d’argumenter sur cette incohérence, la France a proposé l’ARENH.

C’est en fait l’obligation pour EDF de mettre sur la marché 100 TWh, soit environ 25 % de sa production à un prix fixé par une instance externe et calculé d’après des coûts estimés du nucléaire. L’idée du gouvernement français était de « créer » des concurrents à EDF, dans un premier temps complètement artificiels, avec l’espoir que ceux-ci investiraient dans de nouvelles unités de production avec les gains obtenus via l’ARENH.

Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Les nouveaux concurrents d’EDF se sont contentés d’enregistrer des gains indus en profitant, selon les périodes et les prix du « vrai » marché, soit de l’ARENH, soit du marché. Pourquoi auraient-ils investi alors qu’ils gagnaient des fortunes, récupéraient des clients, avec une simple activité de trading ?

Abus de bien social ?

Or, le prix calculé est un prix calculé pour des installations amorties dont l’investissement a été entièrement financé par l’entreprise, donc par ses clients. L’État n’a pas mis un seul franc ou euro dans cette affaire. Il eût été équitable que les clients historiques puissent bénéficier pleinement de leur effort antérieur après remboursement de la dette. On les prive indirectement de 25 % des gains.

En outre, tout ceci pour provoquer délibérément une baisse de chiffre d’affaires d’EDF au profit de pseudos concurrents. À une certaine époque, EDF perdait un million de clients par an.

Cela s’apparente à un abus de bien social, le bien social ici étant des parts de centrales amorties virtuellement cédées sans contrepartie à de nouveaux entrants.

Et cela s’ajoute à un autre genre d’abus social : la fermeture de Fessenheim, décidée par EDF sous la contrainte de l’État, alors que la centrale était encore parfaitement capable de produire pendant des années.

La situation nouvelle

Avec l’envolée artificielle du prix de l’électricité, créée ex nihilo et sans rapport avec la réalité par des algorithmes infondés, les traders demandèrent davantage d’ARENH ! Et contre toute attente, on accéda à leur demande.  On leur attribua 120 TWh au lieu de 100 TWh. Le problème est que beaucoup de clients échaudés revinrent vers EDF qui se retrouva avec plus de besoins et moins de production à sa disposition. On ajouta de l’abus à l’abus. En caricaturant, on pourrait dire qu’actuellement EDF est obligé d’acheter à plus de 100 euros sur les marchés pour offrir du 46 euros à ses concurrents !

Trop, c’était trop. EDF déposa une requête auprès du Conseil d’État. Le juge administratif  vient de donner ses conclusions.

« Prise dans un contexte exceptionnel pour contenir la hausse des prix, [le juge administratif suprême] estime que cette mesure n’est pas excessive pour atteindre les objectifs de libre choix du fournisseur et de stabilité des prix, qu’elle ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre d’EDF et qu’elle ne méconnaît pas le droit de l’Union européenne »

Le texte vaut son pesant de cacahouètes ! La stabilité des prix ? Mais c’est tout le marché européen qui est hors contrôle… plus personne ne peut stabiliser quoi que ce soit, avec ou sans ARENH… Et est-ce que cette situation peut s’éterniser ? Bien sûr que non. L’État ne pourra indéfiniment subventionner les prix pour réguler les tarifs, ni laisser EDF partir à la faillite.

L’autre mot qu’il faut retenir du texte est « fournisseur ». Qu’appelle-t-on fournisseur ?

Très peu des concurrents d’EDF produisent réellement. Et ce sont RTE et ENEDIS, filiales d’EDF, qui assurent le transport et la distribution. En réalité, les concurrents d’EDF sont en majorité des traders et des vendeurs. Cela ne concerne que quelques pour cent du prix au consommateur, cette pseudo concurrence s’exerce donc par nature sur une fraction infime des prix et ne peut en aucun cas provoquer en moyenne des baisses durables.

La suite

EDF compte poursuivre la procédure.

Ce n’est pas « Kramer contre Kramer », mais « État contre État » puisque EDF est en passe d’être nationalisée.

Décidément, nous vivons une époque formidable.

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Une réponse

  1. … et comble de la c… : à la suite de la mise en place de l »ARENH, l’Etat a passé commande de son électricité à un des « concurrents » d’EDF (Si l’on en croit Ségolène Royal lors de son audition à la Commission d’enquête « Energie »)

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