Passoires thermiques : après l’interdiction de louer, celle de vendre

L’Europe prétend accélérer le mouvement et supprimer les passoires thermiques et pour ce faire, elle n’a rien trouvé de mieux que d’en interdire la vente.

Être propriétaire d’une passoire thermique en France, c’est mal ! C’est si mal que si la note du Diagnostic de Performance Énergétique de votre bien est classée F ou G, vous n’avez plus le droit de le louer sans l’avoir rénové auparavant.

Voilà comment on pourrait résumer très brièvement le dispositif concernant la location de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 qui aura un impact assez conséquent. En effet, selon les résultats d’une étude engagée par la FNAIM fin 2022, il sortira gentiment mais sûrement 500 000 logements du secteur de la location.

Cette étude indiquait également que les propriétaires n’étaient pas réfractaires à cette mise aux normes. S’ils ne le font pas c’est majoritairement parce qu’ils n’ont pas le choix.

Ainsi, 93 % des répondants expliquent leur difficulté à faire les travaux à cause du coût, 60 % évoquent des problèmes techniques et enfin 40 % précisent que pour les lancer ils sont tributaires des décisions de copropriété et des délais que la collectivité leur impose.

Toujours est-il qu’il y aura en gros 500 000 logements de moins disponibles à la location, qui s’ajouteront aux trois millions déjà vacants, accentuant ainsi les difficultés de se loger.

Cette disposition française ne ciblait directement que les propriétaires bailleurs en impactant indirectement les propriétaires occupants puisque le prix de leurs biens s’est mis à dépendre de l’étiquette du DPE et donc à varier en fonction de celle-ci.

L’Europe veut un parc immobilier « zéro émissions »

C’est dans ce contexte déjà difficile pour nos propriétaires, qu’entre en scène l’Europe avec une directive adoptée par le Parlement européen le 15 mars dernier. L’objectif est d’atteindre un parc immobilier « zéro émissions » en s’alignant sur les dispositions mises, je vous le donne en mille, en place par justement notre fameuse loi Climat et résilience. L’idée a été défendue par Renew Europe (gauche) qui s’est alliée avec les socialistes, les Verts ainsi que quelques membres du PPE (droite).

L’Europe introduit une nuance subtile en ne s’attaquant pas à la location des passoires thermiques mais à leur vente. Oui ! Vous avez bien lu ! L’Europe prétend accélérer le mouvement et supprimer tout simplement les passoires thermiques. Pour ce faire, elle n’a rien trouvé de mieux que d’en interdire la vente.

Ils ont donc pondu un texte pour imposer à tous les propriétaires européens la rénovation de leur logement avant de pouvoir le vendre. C’est ainsi que d’ici 2030, les habitations estampillées d’un DPE de classe F ou G devront atteindre la note E. Dès 2033, c’est la note D qu’ils devront obtenir.

Le texte va même plus loin que celui de la Commission présenté le 15 décembre 2021 qui avait pour objectif de passer de la lettre G à lettre F pour 2030 et puis à la lettre E en 2033.

Ainsi avec la superposition de la législation nationale sur la location et la nouvelle directive européenne, un propriétaire français d’un bien qui serait classé F ou G ne peut déjà plus le louer mais bientôt il ne pourra pas le vendre non plus.

Quand les propriétaires ne peuvent ni louer ni vendre

Pour bien saisir à quel point la situation pourrait devenir cocasse : nos propriétaires sont déjà en difficulté financière, technique ou juridique pour réaliser des travaux obligatoires sur les biens qu’ils possèdent. Ils ne peuvent plus maintenant les louer selon la législation française. Bientôt ils ne pourront peut-être même plus s’en débarrasser en les vendant pour respecter la directive européenne. Leur situation pourrait se corser furieusement.

Heureusement l’Europe a prévu une échappatoire à tout ça. Ainsi, malgré l’interdiction, le propriétaire pourrait vendre son bien en étant pénalisé par une diminution sur le prix de vente. Le calcul de cette diminution n’est pas encore précisé mais il serait logique qu’elle soit basée sur un montant équivalent au montant des travaux de mise aux normes.

Je suis très curieuse de voir comment la directive va se décliner dans les États membres et surtout comment sera déterminé le montant de la décote.

En effet, tous ceux qui ont fait des estimations immobilières ou réalisé des appels d’offres pour des travaux savent que les prix estimés peuvent varier en fonction de tout un tas de critères subjectifs. Il va falloir mettre en place une sacrée usine à gaz pour pouvoir différencier le prix initial et la décote et s’assurer que le dispositif sera respecté. À première vue, le seul moyen serait de fixer un prix de vente et un coût des travaux à l’avance ce qui semble impossible à mettre en place.

Il ne faut pas oublier non plus que compte tenu de la pénurie actuelle, il est souvent plus facile de vendre un bien que d’en acheter. Les vendeur et acquéreur se rencontrent et se mettent parfois d’accord avant la rédaction des actes pour diminuer les frais. Ainsi par exemple, on sort le coût des meubles du prix de vente pour en diminuer officiellement le prix et payer moins de taxes. Qu’est-ce qui les empêchera de faire de même pour respecter le dispositif tout en en contournant les effets négatifs ?

Quant au législateur, a-t-il l’intention d’instaurer un contrôle pour s’assurer que les acquéreurs ayant bénéficié de la diminution de prix réaliseront bien les travaux de mise aux normes préconisés ? Si c’est le cas, en quoi consistera-t-il ?

Mais, surtout, posons-nous un instant pour réfléchir.

Les acheteurs utilisent déjà l’argument des travaux pour négocier les prix vers le bas. Ainsi un logement étiqueté « passoire thermique » se vend déjà moins cher qu’un autre. Le marché se régule naturellement en fonction de l’offre et de la demande.

C’est d’ailleurs ce que confirme une étude statistique menée par les Notaires de France sur un bilan de l’année 2020. C’est également ce qu’analyse Henry Buzy-Cazaux dans une tribune du magazine Capital du 16 janvier 2023.

La déclinaison de cette directive de l’Union européenne en France ne semble pas avoir beaucoup de sens. Elle ne peut heureusement pas s’appliquer directement dans notre droit national sans faire l’objet préalable d’une transposition.

Mais avec l’inventivité de notre gouvernement et de nos députés, il vaudrait mieux se méfier. Elle ouvre en grand la porte au grand n’importe quoi écologique. Restons attentifs !

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4 réponses

  1. L’article montre bien les contradictions des intentions européennes (Assemblée et commission réunies).
    Mais il n’en profite pas suffisamment pour rappeler que non seulement les textes ne sont pas cohérents et qu’ils cachent les vraies intentions de leurs prescripteurs mais que de plus les raisons invoquées pour leurs mises en place n’existent pas. Beaucoup de ceux qui critiquent les décisions européennes omettent de rappeler qu’elles ne sont pas cohérentes entre elles et qu’elles conduiront à des catastrophes sociales imprévisibles mais passent sous silence, de peur sans doute de passer pour des infréquentables, le fait que les raisons de fond n’existent pas:

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