(Henri Bonner dans Contrepoints du 15/5/23)
La propagande contre les énergies fossiles est-elle justifiée ou biaisée ? Les chiffres montrent une demande en hausse pour le pétrole et le gaz, tandis que les renouvelables ne parviennent pas à répondre à la demande.
Le coût des carburants dépasse le prix d’avant la guerre, même si le prix du baril a baissé.
Les prix du carburant répondent à l’offre et à la demande. Ainsi, l’offre fait défaut tandis que la demande de carburants remonte en flèche depuis la réouverture.
Pour l’année 2022, l’Union Française des Industries Pétrolières rapporte une hausse de consommation de carburant, en dépit des prix élevés :
Les livraisons de carburants routiers sont en hausse de 2,2 % sur l’année 2022 par rapport à 2021. Au global, la consommation des produits pétroliers énergétiques connaît une hausse de 3,7 % par rapport à 2021.
Selon les chiffres du groupe, les livraisons de carburants ont progressé à des taux de croissance annuels à deux chiffres, chaque mois depuis août 2021. Après un ralentissement du rythme en mars, elles augmentent tout de même de 4,6 % sur un an.
De plus, le niveau de consommation des carburants n’a même pas retrouvé les niveaux de 2019 ! Ainsi, la consommation d’essence devrait continuer à augmenter et tirer les prix à la hausse.
Le coût de l’essence crée la surprise. Il illustre les contradictions entre le discours des dirigeants et la réalité.
Propagande contre les énergies fossiles
De même que l’essence, le coût de l’électricité tient à des niveaux plus élevés que la norme.
En dépit d’une baisse depuis l’année dernière, le courant électrique coûte environ le double d’avant les confinements, de 100 euros le MWh aujourd’hui, contre 50 euros en novembre 2019.
Le pays souffre toujours d’un manque d’énergies.
Les prix des carburants, comme du pétrole, narguent les prévisions des dirigeants.
En effet, les autorités promettent un avenir sans pétrole. Pendant ce temps, les producteurs encaissent des bénéfices record. Selon Les Échos :
« Le géant américain du pétrole et du gaz ExxonMobil a annoncé ce vendredi avoir pompé plus au premier trimestre et doublé ses profits malgré le repli des prix des hydrocarbures par rapport à la même période en 2022.
Dans le détail, le groupe a ainsi dégagé un bénéfice net de 11,4 milliards de dollars sur les trois premiers mois de l’année, un record pour un premier trimestre.[…] Chevron, deuxième compagnie américaine de pétrole, a publié ses résultats du premier trimestre ce vendredi. Le bénéfice net de Chevron a ainsi augmenté de 5 % pour atteindre 6,57 milliards de dollars (5,98 milliards d’euros) […] Chevron a terminé le trimestre avec 15,8 milliards de dollars de liquidités, soit 12 % de moins qu’il y a un an, mais environ 10 milliards de dollars de plus que ce dont elle a besoin pour faire fonctionner l’entreprise… »
Depuis des années, journaux et élus annoncent la fin du pétrole.
Or, comme le montre le graphique ci-dessous, de l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale pour les énergies fossiles croît de façon régulière. La croissance du nombre d’éoliennes ou de panneaux solaires dans la dernière décennie n’a pas eu d’effet.
L’Agence internationale de l’énergie projette un pic de demande avant 2025, puis une baisse de la demande d’année en année.
Le pic a peu de chances d’arriver. La croissance de la demande des énergies dans le monde va continuer bon train ; tout comme la demande pour les carburants en France.
Les renouvelables attirent certes beaucoup de capitaux. Les journaux ont rapporté avec enthousiasme un record d’investissements l’an dernier. Les investissements en lien avec la réduction d’émissions de carbone, dont les renouvelables, ont atteint 1100 milliards de dollars, soit autant que les énergies fossiles.
La même année, un rapport sur la production d’énergies via les éoliennes crée cependant le doute sur l’intérêt des investissements – même si la presse en parle peu. Le « facteur de charge » des éoliennes en 2022 n’a atteint que 21,6 %. Ainsi elles n’ont pas produit près de 80 % de leur capacité théorique – car il a manqué de vent.
En comparaison, le « facteur de charge » médian des centrales nucléaires était de 85,6 % en 2021.
En dépit de la demande en hausse pour les carburants, et les faiblesses des renouvelables, la presse met en avant la propagande des dirigeants contre les énergies fossiles.
Une tribune de Bloomberg explique :
« [L’Opep et l’Agence internationale de l’énergie] sont de plus en plus d’accord que la production de pétrole va baisser au cours de la prochaine décennie. […] En effet, la part de marché des véhicules électriques est passée de 2 % en 2019 à 20 % en 2023, selon l’Agence internationale de l’énergie, et va atteindre 60 % dans les marchés américains, européens, et chinois avant 2030.
Cette tendance a beaucoup d’impact. La durée de vie d’un gisement pétrolier conventionnel est de 15 à 20 ans, tandis que la durée de vie moyenne d’une voiture est de 10 à 15 ans. Ainsi, une part de marché plus importante pour les voitures électriques risque de réduire la demande pour le pétrole avant que les nouveaux gisements n’atteignent la fin de leur vie.
Avec la demande de l’essence déjà déclinante, les carburants de transport proches d’un pic, et des prix plus attractifs pour les Tesla, il est impossible d’éviter la conclusion que les années fastes du pétrole ont déjà pris fin. »
Contre le gaz naturel
Une conversation récente de Reporterre avec un membre de Greenpeace, Edina Ifticene, illustre le fonctionnement de la propagande.
L’écologiste déplore l’usage de gaz naturel, en accusant le secteur de profiter de la « panique générale » de la guerre « pour dire qu’elle détenait la solution. »
L’écologiste continue :
« En jouant sur les peurs, les grands traders que sont Shell ou TotalEnergies, mais aussi leurs lobbies, avec le réseau européen gazier Entsog, ont donc très vite poussé l’Europe à beaucoup plus d’approvisionnements et d’infrastructures dans ce domaine.
De façon désordonnée, la Commission européenne et les différents gouvernements se sont mis à investir massivement dans des contrats longs. En France, Engie a par exemple signé deux contrats de quinze ans avec les Étasuniens en 2022 et les projets de construction et d’extension de terminaux se sont multipliés.
Pour une crise à court terme, censée ne durer que quelques hivers, les gouvernements s’engagent ainsi sur des infrastructures qui ne verront pas le jour avant 2026… au mieux.
Or, sortir de terre une telle infrastructure coûte en moyenne un milliard d’euros. C’est autant d’argent qu’il faut rentabiliser sur des années. »
Le discours suit les lignes de l’Agence internationale de l’énergie. Le monde approche d’un pic de demande. En dépit du signal des prix en hausse, les gens n’ont pas besoin de plus d’énergies.
Les investissements dans les énergies fossiles n’ont pas de sens.
L’écologiste affirme aussi que le gaz naturel « n’est ni une énergie verte ni un outil pour la décarbonation. »
Il « est désastreux pour le climat parce qu’il faut des usines de liquéfaction et de gazéification, mais aussi parce que son transport génère des émissions de CO2 et des fuites. Autrement dit, tout compte fait, il est bien plus émetteur que le gaz conventionnel acheminé par gazoduc. »
Aucun fact-checker ne courra le risque de confronter la pensée unique.
Mais le gaz naturel produit environ moitié moins de carbone que le charbon, par exemple.
Or, le charbon – en raison des échecs des renouvelables – a atteint un record de demande l’année dernière (comme le montre le tableau plus haut).
De plus, le gaz semble nettement améliorer la qualité de l’air.
Le graphique ci-dessous montre l’usage du gaz en Chine, avec l’indice de la qualité de l’air dans les grandes villes. Au cours des années 2015 à 2018, l’usage du gaz (courbe verte) grimpe, et les pics de pollution (bande bleue) semblent baisser en amplitude.
Par contre, le gaz et le pétrole ne requièrent pas l’intervention des dirigeants ni les programmes des écologistes, ce qui mène à l’hostilité de la part de la presse.
Comme le montrent les prix des carburants à la pompe, les prévisions de malheur pour l’industrie du pétrole vont à l’encontre de la réalité.
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