Le pétrole est toujours roi
Les données de la Statistical Review publiées cette semaine montrent qu’en 2022, le pétrole reste l’énergie la plus consommée dans le monde, avec 32 %, et même 38 % dans l’Union européenne. La raison en est simple : le secteur des transports dépend à plus de 90 % des produits pétroliers. Depuis les crises pétrolières des années 1970, la recherche d’énergies alternatives dans le secteur des transports a permis quelques progrès, mais ils sont bien insuffisants pour infléchir l’hégémonie du roi du pétrole. Ce n’est que lors des crises économiques que la consommation de pétrole diminue, le secteur des transports étant chaque fois fortement touché. La baisse a été particulièrement marquée lors de la crise de Covid, que ce soit dans l’UE, dans les autres pays de l’OCDE ou même en Asie. Cependant, la fin de la pandémie a été marquée par une nette reprise et, en 2022, la consommation de brut avait retrouvé son niveau de 2019.
On apprend également qu’en vingt ans, les réserves prouvées de pétrole sont passées de 1 301 milliards de barils (Gb) à 1 732 Gb. C’est normal, puisque — à l’exception de Bruxelles-Strasbourg — tout le monde sait que les produits pétroliers sont incontournables, et donc que les investisseurs cherchent et trouvent du pétrole. Si le public s’émerveille de l’IA ou de la numérisation, il ne sait pas que dans le domaine de l’exploration et de la production d’hydrocarbures, les développements technologiques sont tout aussi épatants, les ingénieurs du pétrole ne sont pas moins innovants que ceux du HiTech. Cela se traduit par une plus grande rentabilité de l’activité pétrolière et une augmentation des réserves.
L’OPEP s’enrichit
Les errements imposés par l’Allemagne à la politique énergétique de l’UE ne pénalisent pas seulement les citoyens et l’industrie de l’UE. Ils enrichissent les pays producteurs de pétrole. L’Agence américaine d’information sur l’énergie vient d’annoncer qu’elle estime que les membres de l’OPEP auront perçu environ 888 milliards de dollars de recettes nettes d’exportation de pétrole en 2022, soit une augmentation de près de 43 % par rapport à l’année précédente, en raison de la hausse des prix du pétrole brut et, dans une moindre mesure, de l’augmentation de la consommation de produits pétroliers. La production totale de pétrole de l’OPEP a atteint 34 millions de barils par jour (b/j), soit une augmentation de 2,5 millions de b/j en glissement annuel. À elle seule, l’Arabie saoudite a empoché 311 milliards de dollars, soit environ 35 % des recettes pétrolières totales de l’OPEP en 2022.
Il n’est donc pas surprenant que l’Arabie saoudite s’intéresse de plus en plus au groupe des BRICS et qu’elle envisage même d’adhérer à la banque des BRICS. Pourquoi devrait-elle prêter attention à l’UE — ou du moins à la Commission européenne — qui prétend que le pétrole qui assure sa richesse — et donc son rôle géopolitique — est une source d’énergie obsolète ? Ursula von der Leyen a commencé son mandat de présidente en déclarant que sa Commission serait géopolitique. Le fait qu’une quinzaine de pays demandent à rejoindre les BRICS n’est pas de nature à conforter le succès de sa stratégie.
Et la Russie en profite
Il est un autre domaine où la stratégie de Bruxelles-Strasbourg ne convainc pas. On annonçait que les sanctions contre la Russie allaient frapper le cœur du système de Vladimir Poutine, mais les faits sont tout autres. Vitaly Yermakov, expert russe de l’« Oxford Institute for Energy Studies », explique (communication personnelle) qu’en juin 2023, non seulement, la Russie avait réussi à rediriger le flux de ses exportations de pétrole brut de l’UE vers des marchés alternatifs (principalement l’Inde et la Chine), mais avait également augmenté les volumes exportés par rapport à la fin 2022. Il est vrai que les exportateurs russes de pétrole brut et de produits pétroliers ont dû offrir des rabais aux acheteurs, mais sur la base des données douanières indiennes et chinoises, ces rabais ont été plutôt de l’ordre de 10 à 15 dollars le baril ($/b) par rapport au brent, et non de 35 à 40 $/b comme l’annoncent souvent les médias occidentaux.
Selon Alexander Novak, vice-premier ministre russe chargé du complexe énergétique, en 2022, la production russe d’hydrocarbures liquides (pétrole brut et condensats) a atteint 10,9 Mb/j, soit une augmentation de 1,8 % par rapport à 2021. Les exportations de brut russe ont atteint 4,9 Mb/j, soit une augmentation de 7,6 % en glissement annuel. Pour M. Novak, il s’agit là d’un signe tangible de la résilience de l’industrie pétrolière russe. Bien sûr, la marge bénéficiaire russe est réduite, car le coût du transport par pétrolier vers des pays lointains est beaucoup plus élevé que celui par oléoduc vers des pays voisins ou proches. Mais la question n’est pas financière. Elle est d’ordre géopolitique. La Russie vend plus de pétrole et de produits raffinés à plus de pays que jamais. Et en tant que membre fondateur des BRICS, son rôle est et reste prédominant.
Vivement les élections européennes
La stratégie de Bruxelles-Strasbourg visant à se passer rapidement du pétrole devrait être sérieusement remise en question. De plus, l’argument selon lequel les véhicules électriques permettront de se passer des produits pétroliers est très douteux pour les raisons que l’on sait — même la Cour des comptes de l’UE le dit. Le Conseil européen feint d’ignorer cette aberration, sans doute pour que les compagnies d’électricité de l’UE, dont les actionnaires de référence sont les États, puissent réaliser des profits financiers. Cette erreur stratégique majeure plongera l’UE dans une dépendance aberrante à l’égard de la Chine, autre pays des BRICS.
Il est temps que l’UE revienne à ce qui a fait sa prospérité, une énergie abondante et bon marché, au lieu de penser décroissance et décarbonations.
D’autant plus que l’étude statistique mentionnée ci-dessus indique que les émissions mondiales de CO₂ ont augmenté de 61 % depuis que les Nations unies à Rio de Janeiro ont prétendu les réduire. Décidément, la politique énergétique de l’UE ne donne pas les résultats escomptés. Seul un revirement clair de la politique verte européenne lors des élections européennes du 9 juin 2024 pourra maintenir l’UE dans le jeu géopolitique.
Les derniers ouvrages de Samuel Furfari sont en français « Énergie tout va changer demain. Analyser le passé, comprendre l’avenir » et « L’utopie hydrogène » , et en anglais « Energy insecurity. The organised destruction of the EU’s competitiveness ».
3 réponses
Les carburants fossiles auront forcément une fin!
L’ensembles des réflexions et des décisions européennes n’est pas à la hauteur de la nature des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Devant une forte incertitude il faudrait multiplier les recherches et les essais de toute nature alors que l’Europe veut mettre tous nos œufs dans le même panier de transition économique sociale écologique technique etc..
Là est l’erreur de base
Laissons la liberté à tous il y a en aura bien un qui trouvera la solution!
Nos dirigeants sont dans l’idéologie la plus totale et aveugle, et nous mènent tout droit dans le mur.
Un peu de réalisme et de bon sens, en s’affranchissant les lobbies verts que nous payons et finançons avec nos impôts (un énorme scandale, soit dit en passant!), nous ramèneraient vers une logique énergétique bien loin de la ligne actuelle.
Espérons que les prochaines élections européennes nettoieront enfin ces écuries d’Augias de plus en plus insalubres.
« » » » » » » »Vivement les élections européennes » » » » » » »
Je me disais il y a un an et demi , vive les prochaines élections présidentielles ; on a vu le résultat; je ne m’attend à rien de mieux pour les prochaines élections européennes