(Par Lucien Rabouille dans Causeur du
Vingt-huit éoliennes, réparties en quatre parcs, devaient être implantées dans un rayon de cinq kilomètres autour d’Illiers-Combray, en Eure-et-Loir. Problème : Marcel Proust y a passé dans sa jeunesse plusieurs étés. Saisi par des pétitionnaires hostiles au projet, le conseil d’État a jugé que le dispositif « portait une atteinte significative, notamment à l’intérêt paysager et patrimonial »1 du site que Proust a magnifiquement décrit dans Combray, la première partie du roman Du côté de chez Swann.
Les « lieux où soufflent l’esprit », que célébrait Maurice Barrès dans la Colline inspirée, sont aussi ceux où souffle le vent. Cocasserie : la colline de Sion, en Lorraine, qui inspira l’auteur, est depuis longtemps investie par les parapentistes qui profitent du site et de son exposition. La population des environs s’est opposée à l’installation de six éoliennes.
Un projet de parc éolien, à la montagne Sainte-Victoire, peinte et repeinte par Paul Cézanne, avait déjà fait l’objet de plusieurs recours, avant de sortir de terre en 2021. Aujourd’hui, le vent du droit tourne ; les promoteurs de l’éolien craignent que la décision des sages fasse jurisprudence. Si les vacances du jeune Marcel font partie de notre patrimoine, alors le souvenir d’un peintre ou d’un écrivain pourra préserver le paysage de très nombreux autres sites.
Proust, écocideur malgré lui ? Son œuvre, il faut le reconnaître, passe un peu à côté des enjeux environnementaux. On le voit exhiber son confort bourgeois comme son bilan carbone, alourdi par de trop nombreux voyages : à Illiers-Combray d’abord, à Cabourg ensuite et même à Florence… Les descriptions de ces stations dans la Recherche auraient même, en les popularisant, lancé la mode du tourisme de masse. Lire la Recherche n’invitera non plus à délaisser son véhicule individuel pour les transports en commun ou le vélo électrique ; Proust était amoureux de son chauffeur personnel, Alfred Agostinelli, et s’amusait à brûler du CO2 pour le seul plaisir de sa compagnie ! Reste son genre de vie homosexuel : ultime recours de la décroissance démographique.