Florilège du rapport sur le soutien public aux parcs éoliens terrestres et maritimes de la Cour des Comptes

(Par ÉRIC SARTORI dans Factuel du

Le rapport de la Cour des comptes de 2018 sur l’éolien avait eu un certain retentissement et provoqué la Commission Parlementaire d’enquête sur les énergies renouvelables (ENR). Le cru 2023 est pas mal non plus et apporte son lot de révélations qui devraient faire réagir. Voici quelques perles parmi d’autres.

Fixation des objectifs ENR ou de l’art de se tirer une balle dans le pied  

« Il faut noter que la France avait accepté des objectifs d’implantation des ENR plus ambitieux que ceux de la plupart des autres pays, alors même que son mix électrique est fortement décarboné et que le retard dans l’atteinte de ses objectifs n’est pas imputable au seul mix électrique, et notamment pas au seul secteur éolien »

Eh oui, un jour peut-être, on en viendra à une politique plus rationnelle en fixant des objectifs de décarbonation et non des objectifs de déploiement d’énergies variables intermittentes. Mais cela contrarierait sans doute de puissants intérêts.

Aucun contrôle des comptes des parcs éoliens depuis 2013 

 « Malgré les recommandations des rapports précédents de la Cour, l’économie des parcs éoliens reste mal connue… Le dispositif de dépôt des comptes des installations n’a pas été mis en place ; depuis l’étude de la CRE, donc depuis 2013, ni la DGEC, ni EDF OA n’ont demandé une seule fois ses comptes à un parc éolien en exploitation »

C’est quand même fâcheux ! Le moindre incident, même le plus minime,  dans une centrale nucléaire doit être déclaré. En revanche, du 7 (donc 5 jours après la tempête Ciaran) au 23 novembre 2023, la zone industrielle éolienne de Saint-Nazaire, premier parc offshore français, a perdu 25% de sa capacité, sans qu’il y ait eu la moindre information à ce sujet.

Éoliennes à moins de 500 mètres des habitations 

« Dans une région comme la Bretagne, la règle des 500 mètres constitue un défi pour le renouvellement des premiers parcs mis en service entre 2000 et 2011. Dans le département du Finistère, par exemple, 83 % des éoliennes sont en deçà de 500 m. des habitations et 55 % dans l’ensemble de la région Bretagne. »

Mais pour la Cour, il faut continuer :

« Pour le renouvellement des parcs éoliens installés avant 2011, permettre de déroger à la règle de 500 mètres des habitations ».

Renégociation des tarifs de l’éolien en mer 

« La renégociation des tarifs des six parcs éoliens en mer attribués en 2012 et 2014, qui s’est déroulée en 2018… a eu pour contrepartie des concessions au profit des exploitants, dont les principales sont :

  • La renonciation de l’État à percevoir des redevances d’occupation du domaine public ;
  • la suppression de la part fixe dans la formule d’indexation du tarif, qui fait passer de 60 % à 100 % la part qui est indexée ;
  • la prise en charge des coûts de raccordement par RTE ;
  • la suppression dans les contrats de la clause de prévention d’une rentabilité excessive. »

La Cour des comptes conclut avec un certain humour :

« Il n’est pas possible d’apprécier si leur effet sur le LCOE est inférieur ou supérieur à la baisse du tarif, autrement dit si les producteurs ont réellement fait des concessions… le bilan financier de la négociation ne peut toutefois être établi ».

Et elle s’inquiète de deux concessions qui sont « de nature à déséquilibrer dans le temps le résultat de cette négociation. » L’indexation à 100% du tarif sur l’inflation parait en effet extravagante, car enfin la très grande partie du coût de fonctionnement résulte de l’investissement initial,  non soumis à l’inflation ; et d’autre part, la suppression de la clause de prévention des surrentabilités, qui permet en cas d’envol des prix à l’Etat de récupérer des profits abusifs, supprime un stabilisateur utile en cas de crise énergétique.

Il semble donc ressortir des commentaires prudents de la Cour des Comptes que cette renégociation en 2018 des tarifs initiaux de l’éolien en mer, présentée comme une grande victoire par le gouvernement de l’époque… était en fait un marché de dupes !

La gratuité du raccordement 

 Autre très gros cadeau, sur lequel la Cour des Comptes avertit : 

« Les dépenses de raccordement des parcs éoliens en mer ont été jusqu’à présent assez limitées du fait des délais de mise en service. Elles ont atteint 28,6 M€ en 2019 et 170,4 M€ en 2020 et 244 M€ en 2021. Elles devraient augmenter de façon importante dans les prochaines années. L’estimation totale des coûts de raccordement pour les projets en cours et futurs est située dans une fourchette de 7,7 Md€ à 10,1 Md€. »

Encore la Cour des Comptes ne mentionne-t-elle pas le coût total d’investissement dans les réseaux que nécessite le déploiement des Energies Variables Intermittentes, 100 milliards d’euros pour les lignes à haute tension (RTE) et approximativement le même montant pour la basse tension (Enedis).

Et elle ne mentionne pas non plus les avertissements récurrents des assureurs sur les coûts des défaillances de câbles en milieu marin. Sur la base de son expérience sur les parcs allemands et d’Europe du Nord, Allianz affirme que les problèmes de dommages ou défaillances de câbles représentent 53 % des sinistres liés à l’éolien offshore en valeur [1] et que ce poste de pertes important est en explosion, au point de mettre en cause l’assurabilité des projets.

Avertissement  sur l’éolien flottant 

« L’éolien flottant ne constitue pas encore une technologie mature et n’a pas été encore déployé de façon industrielle bien qu’il existe à ce jour deux fermes commerciales flottantes, en Ecosse (30MW) et en Norvège (56 MW). Des expérimentations ont donc été jugées nécessaires… Le tarif a été fixé par l’arrêté du 9 avril 2020 à 240 €/MWh… Ce dispositif de soutien est potentiellement très coûteux pour l’État. »

Après donc l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, après l’Académie des Technologies, la Cour des Comptes rappelle le manque de maturité de l’éolien flottant, qui, compte-tenu de la nature des côtes françaises devrait représenter la moitiè des 45 GW d’éolien marin que les plans gouvernementaux nous promettent pour 2050.

À lire les experts de la Cour des Comptes, avant d’accélérer, il serait plutôt urgent d’attendre.

Au final, la meilleure nouvelle de ce rapport tient dans cette affirmation : «  Au regard de ce qui précède, l’organisation actuelle ne saurait répondre au défi de développement des 50 parcs éoliens offshore d’ici à 2050 ».

[1] Failing underwater cables “pose global threat to offshore wind”, A turning pointnfor offshore wind, Allianz, 202

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