L’un des problèmes avec les questions énergétiques tient au fait que presque tout le monde a une opinion, plus ou moins bien informée et plus ou moins bien intentionnée, et surtout se sent autorisé à la partager. Si on y ajoute la propagande militante et les intérêts des lobbys économiques et politiques, cela explique la confusion qui règne dans ce domaine et l’accumulation de mauvaises décisions prises depuis de nombreuses années. Il est plus facile de suivre les modes et de relayer les légendes urbaines, reprises en boucle dans les médias, que de reconnaître la complexité des systèmes énergétiques, l’ampleur et la difficulté des transformations à effectuer pour mener la transition… et leurs conséquences économiques et sociales.
La première difficulté vient de l’ignorance bien plus largement répandue qu’on pourrait le croire de l’importance de l’énergie et de l’échelle des infrastructures et équipements existants. Une personne dans le monde consomme en moyenne chaque année l’équivalent de 800 litres de pétrole. Cela équivaut à l’énergie dégagée en un an par 60 personnes travaillant jours et nuits sans interruption. Et on peut multiplier par deux ou trois ce chiffre dans les pays développés. L’accès à une énergie abondante, bon marché et fiable est la condition sine qua non de la prospérité matérielle de l’humanité.
Une vision très théorique de la réalité de la production
Pour cela, plus de 60 000 centrales délivrent aujourd’hui de l’électricité à plus de 7 milliards de personnes. Les autres sont toujours privées d’électricité… La taille additionnée de tous les pipelines et gazoducs transportant le pétrole et le gaz représente 2 millions de kilomètres. Le système énergétique permet de produire tous les ans 7 milliards de tonnes de matériaux industriels. Ramené à dimension humaine, cela représente 800 kilos de fer, de ciment, de plastique, d’ammoniac… par personne chaque année. Enfin, plus de 1,5 milliard de véhicules fonctionnant avec des moteurs à combustion interne sillonnent les routes de la planète. Ils fonctionnent presque exclusivement avec des carburants fossiles.
La plupart des économistes oublient ces réalités et s’en rappellent soudain quand les prix de l’énergie s’envolent, comme lors des chocs pétroliers des années 1970 ou de la crise de 2022. Bon nombre d’entre eux ont aussi une vision théorique de la réalité de la production. Ce qui compte à leurs yeux, c’est le travail et le capital. Les prix de l’énergie, qui ne représentent qu’un faible pourcentage du PIB (autour de 4-5 %), et son abondance ont une importance limitée. Sauf que rien ne se peut se faire sans énergie…
La première transition est toujours en cours
L’étendue et la complexité du système construit depuis deux siècles et la révolution industrielle suffisent à expliquer pourquoi la transition sera forcément lente. Le seul exemple historique que nous ayons en apporte la preuve. Les combustibles fossiles et l’électricité hydraulique et nucléaire (venue plus tard) sont passés de 2 % de l’énergie primaire consommée en 1800 à 95 % en 2020. Mais après plus de deux siècles, la première transition énergétique, qui consistait rappelons-le à remplacer les énergies traditionnelles de la biomasse par les fossiles, n’est toujours pas terminée…
Non seulement …