CSRD : le chancelier allemand demande à l’Europe de revenir sur la directive

A peine entrée en vigueur, la CSRD est déjà menacée par l’un des principaux dirigeants européens. Dans une lettre à la présidente de la Commission européenne, le chancelier allemand Olaf Scholz demande officiellement la révision de la directive sur la durabilité des entreprises. Une posture qui inquiète les professionnels de la transition écologique et sociale.

2025 est à peine commencée, et la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive, ou directive sur le reporting de durabilité des entreprises) est déjà sur la sellette. Après les propositions de moratoire évoquées par Michel Barnier en octobre dernier, c’est cette fois le chancelier allemand qui s’attaque à la directive. Dans une lettre envoyée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, révélée par le média allemand Table, Olaf Scholz réclame en effet des « mesures rapides et ciblées » pour favoriser la compétitivité des entreprises européennes et réduire la « bureaucratie » pesant sur elles.

En tête des priorités du chancelier allemand, la « simplification » de la CSRD. Par la voix de son chef d’Etat, l’Allemagne, qui n’a d’ailleurs toujours pas, malgré son obligation, transposé dans son droit interne la CSRD, demande officiellement à la présidente de la Commission européenne de décaler de deux ans l’application de la directive, mais aussi d’en relever les seuils d’application.

« Reporter voire abandonner »

Il faut dire qu’en Allemagne, encore plus qu’en France, les représentants du monde économique s’activent depuis des mois pour éviter d’avoir à se conformer aux réglementations de transparence sociale et environnementale. En décembre dernier, quatre ministres allemands avaient déjà écrit aux instances européennes pour demander un report. Aujourd’hui l’opposition officielle du chancelier, pourtant issu du SPD, le parti Social Démocrate allemand, de centre-gauche, historiquement favorable aux réglementations sociales et environnementales, sonne comme un véritable coup dur pour le Green Deal européen. « Lorsque des projets prévus nuisent à la compétitivité, ils doivent être reportés, voire complètement abandonnés », lance ainsi Olaf Scholz, en référence aux multiples réglementations environnementales décidées par l’Union Européenne lors de la précédente mandature.

Une prise de position qui inquiète déjà les spécialistes de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. « Il est extrêmement décevant de voir le chancelier allemand agir de la sorte – l’Allemagne est un poids lourd de l’UE et cette lettre (ainsi que la précédente lettre des différents ministères allemands en décembre) ne passera pas inaperçue à Bruxelles… », s’alarme sur LinkedIn Andreas Rasche, professeur spécialisé et Doyen adjoint à la Copenhagen Business School. Il craint notamment que la multiplication des attaques émanant de hauts responsables européens contre la CSRD conduise à des « changements substantiels qui vont bien au-delà des simplifications ».

Un recul considérable dans la transition écologique des entreprises

La remise en cause de la CSRD pourrait en effet constituer un recul considérable en matière de transformation durable des entreprises, alors que l’urgence écologique et sociale n’a jamais été aussi prégnante. « Si les données sur les externalités sont déjà trop coûteuses pour être rapportées, comment les entreprises et les politiciens réagiront-ils lorsque les pratiques devront changer pour intégrer et payer pour de telles externalités ? » s’interroge ainsi l’économiste spécialisé dans la durabilité Zsolt Lengyel sur LinkedIn. Contacté par Novethic, Bertrand Desmier, spécialiste du management de la Responsabilité Sociale des Entreprises, considère que la CSRD doit être maintenue : « c’est la directive qui va engager les entreprises à compter et conter ce qui est matériel en matière sociale et environnementale », explique l’expert.

En plus de la CSRD, le chancelier allemand vise plusieurs autres réglementations européennes : la directive sur le devoir de vigilance, qui impose aux multinationales, y compris non-européennes, de respecter les droits sociaux et la protection des écosystèmes, ainsi que les critères de durabilité pour l’hydrogène vert ou l’énergie. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est également visé. A quelques semaines des élections législatives, Olaf Scholz, comme de nombreux dirigeants européens, reprend la rhétorique de populisme économique anti-régulation qui a été au cœur de la victoire électorale de Donald Trump outre-Atlantique.

Face à ces demandes de plus en plus fortes des dirigeants européens de revenir sur la CSRD et les réglementations du Green Deal, Ursula van der Leyen a annoncé en novembre la mise en œuvre d’une législation omnibus visant à les « simplifier ». Une procédure qui devrait être lancée en février, alors que l’Union européenne est présidée, depuis le 1er janvier, par la Pologne, qui a depuis longtemps affirmé sa volonté de réviser en profondeur les normes environnementales et sociales issues du Green Deal…

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